La situation réglementaire
L’autorisation d’implantation ou de fonctionnement
Depuis plus de vingt âns en France (loi du 19 juillet 1976), depuis pl^ de dix ans de façon homogène au niveau de l’ensemble de l’Union européenne (directive de la Commission du 25 juin 1985), l’étude d’impact est une obligation pour toute implantation d’un établissement classé.
Sans entrer dans un détail qui ne fait pas l’objet de ce livre, la nomenclature des établissements classés, établie en 1953, concerne des activités et des disciplines aussi variées que les substances chimiques, les métaux lourds, les substances radioactives mais aussi les champignons ou des activités comme le traitement de surface, le broyage, le concassage, le criblage et le moulage ou encore des métiers ou sites spécifiques comme la fabrication d’engrais ou les carrières de plus de cinq hectares.
L’audit obligatoire de l’environnement concernant les risques majeurs (directive Seveso) est venu renforcer ce dispositif en matière d’études de risques et de sûreté pour les établissements existants et ce, pour une liste de quelque deux cents substances manipulées ou stockées.
Si l’on compare l’évolution rapide de la réglementation des sociétés industrielles en matière d’impact sur l’environnement, avec celle qui a eu lieu en matière d’impact sur la sécurité et l’hygiène, il me paraît clair que l’évolution de la législation et des réglementations se développera en amont et en aval.
• En amont
Il s’agit ici du contrôle légal et réglementaire, soumis à autorisation préalable, des types et des marques agréés d’investissements que l’industriel pourra choisir, en vue de remplir les contraintes de fonctionnement qui lui sont déjà imposées : instruments de mesure, systèmes (logiciels et instrumentaux) de surveillance, équipements de traitement des effluents et équipements de recyclage des déchets.
En aval
Il s’agira des services agréés communautaires et nationaux tels que l’ingénierie, le contrôle technique et technologique, l’audit de conformité et l’expertise d’assurance.
À l’instar de plusieurs grands groupes industriels, qui dans un premier temps ont développé la maîtrise de leur impact sur l’environnement, pour en vendre maintenant l’expertise, les systèmes et les outils de contrôle et de régulation comme activité économique à part entière, les SSII et les sociétés d’ingénierie trouveront dans le renforcement des directives sur l’environnement une filière technique et commerciale qui continue à se développer au rythme de 7 % par an, pour un chiffre d’affaires qui, dans l’Union européenne, s’approche des 100 milliards d’euros en 1998.
Dans certains pays et secteurs, cette croissance se ralentit en 1998 de par l’autosufifisance désormais acquise, dans d’autres au contraire, elle s’accélère. Le traitement des déchets (hors déchets toxiques) est un marché saturé en Hollande, mais pratiquement vierge en Grande-Bretagne.
La consommation d’énergie est un autre exemple de la croissance irrégulière de ce marché : le rapport de la Commission de Bruxelles d’août-septembre 1991 constata qu’au sein de l’Union européenne on n’arriverait à l’objectif de 20 % de réduction de la consommation qu’avec des mesures draconiennes d’incitation et d’obligation. Parmi celles-ci, la réduction de la consommation de l’industrie, à travers l’adaptation ou l’investissement dans des systèmes de chauffage plus performants, par des mesures de conservation de la chaleur, mais aussi d’adaptation et de transformation du parc de machines, domaine dans lequel les PME-PMI ont un retard considérable et qui se paye deux fois de lui-même, la première sous forme de subventions consistantes, la deuxième sous forme de réduction de la consommation.
L’ingénierie de l’énergie au niveau du plombier, la réalisation d’appareils de technologie simple de réduction de consommation, d’appareils pompeusement appelés domotiques de gestion de la consommation du courant, installés et contrôlés au niveau des PME- PMI, font apparaître des métiers nouveaux qui, suite à une réglementation macro-économique, sont bien évidemment des opportunités saisies par ceux qui restent à l’affût, de façon offensive, des occasions que la législation de l’environnement peut leur offrir.
Le risque de sanctions économiques en cas de dysfonctionnement existe
Le risque réglementaire et juridique de sanctions économiques en cas; de dysfonctionnement n’est que rarement connu, une lacune qui menace directement et à tout moment les PME-PMI dans pratiquement tous les secteurs économiques.
Les éleveurs de porcs et de poulets en Bretagne ainsi que leur voisin, l’usine de chaudronnerie ou l’atelier de thermoformage de plastique un peu plus loin, ou encore le modeste chantier naval de bateaux de plaisance à côté du port un peu plus loin, sont inconscients des exigences environnementales auxquelles répondent déjà leurs homologues et concurrents hollandais, allemands ou danois.
Une simple enquête sur une petite partie de la région, que ce soit en Bretagne, en Ile-de-France ou en Auvergne, le résutat étant le même, démontre que les patrons des PME-PMI ne sont que rarement conscients du risque que le non-respect (et la non-connaissance) des réglementations au niveau de l’Union européenne fait courir quotidiennement à leur entreprise.
Désormais, la responsabilité pénale de la personne morale existe, introduisant un risque individuel pour les responsables d’entreprise ayant causé un préjudice grave à l’environnement.
Mais au-delà du risque juridique, la mondialisation de l’économie a attiré les concurrents y compris du point de vue environnemental.
Les PME-PMI du secteur des encres et peintures qui ne se sont pas penchés, en 1998, sur les problèmes que posent les émanations de COV (composés organiques volatiles), dus aux solvants organiques, ainsi que leurs déchets de pigment à base de sels de métaux lourds, disparaissent purement et simplement du marché.
La relative protection sociale qui existe peu ou prou, à travers la chambre de commerce et d’industrie locale, à travers les associations privées ou publiques (Lyon’s, Rotary, etc.) réunissant les notables de l’industrie, de l’entreprise et de l’Administration (dont les directeurs- employés locaux des grandes banques nationalisées), sera battue en brèche, là où résident les marchés-niches intéressants, par le rouleau- compresseur des collègues et concurrents britanniques, allemands, belges, hollandais mais aussi espagnols et italiens, partout où une faille
dans la politique concernant les règlements de l’environnement pourra servir de levier.
L’attaque récente sur les exportations françaises, au sein de l’Union européenne, de fromages à pâtes molles non pasteurisés, est un exemple type d’un test qu’aura lancé la concurrence – en l’occurrence britannique – en vue de sonder la solidité des ripostes à une attaque fondée sur une éventuelle réglementation communautaire dans le domaine de l’agroalimentaire.
Demain, il faut pouvoir s’attendre à ce type de réactions-tests normales dans une économie de marché dans les domaines de l’emballage (l’exigence de recyclage), du plastique (bio-dégradable ou non), du traitement de surface (à effluents recyclés ou non), des équipements automobiles (recyclés par le fournisseur sous-traitant ou non) etc.
La réglementation environnementale, communautaire et nationale, est ainsi devenue à la fois une chance de développement pour ceux qui sauront se mettre en position offensive, une menace pour ceux qui se mettront en position défensive et enfin un danger réel pour ceux qui croiront pouvoir s’abriter derrière le confort agréable d’une implantation sociopolitique et économique régionale.
L’organisation interne est conforme aux règlements communautaires et nationaux
L’organisation interne concerne :
– la direction juridique et financière, qui doit être capable de suivre et d’anticiper l’évolution des réglementations et de la législation, et d’infléchir la politique d’investissements en conséquence ;
– la direction technique, qui doit être capable de mettre en œuvre des processus conformes ;
– la direction des ressources humaines, qui doit être capable de mettre en œuvre les programmes de formation et de motivation correspondants ;
– la direction marketing et communication, qui doit être capable de présenter les efforts faits comme un plus concurrentiel.
Dans l’univers rapidement mouvant des réglementations et de la législation, mais où les précurseurs que sont les Américains, les Scandinaves, les Hollandais et les Allemands permettent, malgré l’actuelle
confusion au niveau de l’Union européenne, de tracer une ligne de conduite plus ou moins cohérente, la veille juridique et réglementaire est devenue, pour les groupes à activité à risque, une nécessité qui dépasse le simple enregistrement : elle devient ainsi outil de stratégie.
Deux attitudes sont en effet possibles devant le déferlement des normes, des règlements et des restrictions d’initiative, qui sont le lot quotidien des industries :
– soit la mise en place d’une forteresse de défense juridique de l’entreprise, dans son fonctionnement et dans ses objectifs existants ;
– soit, au contraire, la mise en place d’une stratégie offensive de réorientation de l’entreprise, en fonction des orientations que veut lui indiquer, voire lui imposer le pouvoir politique, orientations dont elle devrait être partie prenante dans leur définition.
Dans le premier cas, la direction juridique et administrative de l’entreprise devient l’avocat des causes perdues d’avance (accidents, incidents, infractions manifestes au droit de l’environnement et au droit tout court), à l’exemple de l’Amoco- Cadiz, de l’Exxon-Valdez, etc.
Dans le deuxième cas, la direction juridique et administrative de l’entreprise devient une tête chercheuse des orientations à prendre dans la stratégie verte en général, à l’égal des autres responsables des cinq métiers de l’entreprise.
Ma préférence stratégique va évidemment vers la deuxième attitude, la première ne pouvant consister qu’en combats d’arrière-garde.
L’agroalimentaire, que ce soit au niveau de la production, au niveau de la première transformation ou au niveau de la transformation en produits comestibles a, dans ce domaine en France, des progrès considérables à faire.
Collectivement premiers producteurs et exportateurs de l’Union européenne, nos coopératives comme nos entreprises de transformation, y compris de groupes de limonadiers, de vins et spiritueux ou de fromagers, d’une puissance non négligeable, sont à la traîne d’une Europe légiférante, ayant forcément des traditions de nourriture, d’hygiène nutritionnelle et de contrôle de la santé publique très diversifiées.
Dans ce cas précis, l’émiettement de nos coopératives et de nos entreprises et même des groupes industriels de transformation, représentant en théorie et en poids la première puissance économique dans le secteur agroalimentaire de l’Union européenne, se trouve en face de secteurs agro-industriels britanniques ou allemands, organisés de façon intégrée et extrêmement concentrés, capables à la fois de peser sur les réglementations communautaires et de s’y adapter avec d’autant plus de facilité qu’ils auront largement contribué à les définir.
À côté, les Hollandais et les Danois sont là pour nous montrer qu’il ne faut pas nécessairement des hyper-concentrations pour pouvoir influencer, anticiper et suivre les réglementations communautaires, à condition de faire de la fonction juridique et administrative de l’entreprise une force offensive et non une instance qui enregistre et amortit les coups.
L’audit de conformité aux règlements est indépendant
J’aurai l’occasion de revenir sur le débat d’un audit indépendant obligatoire ou volontaire, mais je me contenterai ici de souligner que, notamment en Hollande, après de graves accidents de pollution connus comme ceux de Lekkerkerk et Alphen aan den Rijn, l’audit de conformité indépendant, pour toute entreprise à risque, constitue désormais un outil à la fois de gestion et de communication devenu indispensable, sans qu’il y ait pour autant contrainte officielle.
Devenu pratique obligatoire aux États-Unis, pour toute société qui s’introduit en bourse, l’audit est également exigé des assurances et des investisseurs institutionnels en cas d’acquisition ou de fusion, en cas de déménagement sur un nouveau site (qu adviendra-t-il des déchets laissés derrière nous ?), d’investissements majeurs, etc.
En France, les cabinets anglo-saxons ne font que démarrer cette activité, se fondant sur leurs expériences aux États-Unis et en Europe du Nord. Quelques groupes industriels précurseurs publient déjà les résultats de leurs audits d’environnement, quelques cabinets- conseil commencent à se créer, mais on est encore très loin de la généralisation que l’on connaît aux États-Unis et en Europe du Nord.
Paradoxalement, la plupart des sociétés ou groupes ayant une activité à risques en France auraient un score tout à fait honorable (dans l’énergie, la chimie, la métallurgie par exemple) en se comparant à leurs homologues américains ou nordiques, ce qui se vérifie régulièrement lors des acquisitions et des fusions auxquelles ils procèdent dans ces pays.
Ainsi au Canada, pays comparable sous certains aspects à la France, quant aux relations industrie-environnement, se discute actuellement un projet denvironmental audit, dont les éléments, si le projet devenait loi, livreraient à la concurrence les prix de revient, la composition et le processus de fabrication détaillé des produits, l’interrelation en amont (les fournisseurs) et en aval (les clients) de l’activité de la société, etc.
Au vu de cet exemple canadien, l’intérêt de nos propres industriels se trouve plus que probablement dans une prise de position pour un système d’audit généralisé, qui informe à la fois le public sur ce qu’il est en droit de savoir, et qui protège l’entreprise de ses concurrents…
La responsabilité du respect des réglementations est assumée à un niveau élevé de la hiérarchie
S’il apparaît indispensable d’élargir les responsabilités des équipes existantes de qualité et de sécurité à l’environnement, dans la plupart des secteurs à risques, il ne faut pas pour autant confondre le niveau final de responsabilité.
Dans telle entreprise de fabrication de transformateurs de moyenne tension, la responsabilité de la qualité est celle de l’équipe de production et elle est approuvée par le contrôle-qualité, aidé en cela par le cercle de qualité, sans que cela enlève la décision et donc la responsabilité finale au patron du service contrôle-qualité.
L’installation sur réseau, si elle est réalisée par l’entreprise, est de la responsabilité de l’équipe d’installateurs et la responsabilité finale est celle du responsable de livraison-réseau.
Mais la responsabilité de l’utilisation du pyralène comme système d’isolation des parties actives et les problèmes possibles qui en découlent pour l’environnement ne relèvent ni de la responsabilité du contrôle-qualité, ni de celle du responsable de livraison-réseau : elle incombe à l’entreprise et, par conséquent, au chef d’entreprise.
La nature de la responsabilité pour l’environnement fait qu elle ne peut en dernier ressort être que celle du chef d’entreprise, même si la responsabilité opérationnelle se trouve ailleurs.
Le poids de la réglementation dans la stratégie verte de l’entreprise dépendra entre autres de la classification de l’activité de l’entreprise dans l’échelle de risques établie par le législateur.
Il convient néanmoins de suivre dans ce domaine l’élargissement à des secteurs autres que ceux déclarés aujourd’hui à risques, qui se prépare à la Commission de Bruxelles, et qui aura très rapidement des retombées sur l’économie natio-nale.
Se situer sur l’ensemble des critères qui sont à la base de cette grille doit permettre à la direction ou aux responsables du secteur juridique et financier d’identifier les lacunes, mais aussi les forces de l’entreprise et de définir une stratégie en conséquence.
Vidéo : La situation réglementaire
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